Miroir Oh mon beau miroir qui est la plus belle ce soir ?

À une personne si belle… qui se reconnaitra… ou peut être pas…

Il m’arrive souvent de maudire ma mémoire défaillante et d’envier ceux qui d’un seul mouvement de tête se rappelleraient jusqu’au numéro de page abritant une citation qu’ils chercheraient à reproduire, il m’arrive aussi de pester contre ma paresse sans laquelle je me lèverais chercher dans ma bibliothèque le livre abritant le paragraphe tant convoité. Mais il m’arrive aussi de laisser ma paresse prendre le dessus, ma mémoire défaillante triompher car une citation exacte fausserait peut être l’objet de ma pensée tant son souvenir fait mon affaire.

Quelque part entre les pages d’un de ces livres qui s’entassent, une version du mythe de narcisse me fascina et habita mon imaginaire des années durant… de temps en temps, un mot, une allusion et je revoyais cette scène :
Narcisse qui dépérit de se contempler dans la surface limpide d’une source, fut pleuré par toute la forêt : les arbres, les fleurs et les oiseaux se lamentaient de la disparition d’une vision aussi enchanteresse et voyant que la source d’eau arborait un masque de tristesse la consolèrent de leur mieux :
– Qui plus que toi connaît l’ampleur de cette perte, toi qui voyais tant de beauté de si prêt.
Perplexe la source leur demanda :
– Était-il donc si beau?
– Comment pouvais-tu ne pas le voir, lui qui contemplait sa beauté dans tes eaux? Et si tu ne connaissais pas sa beauté pourquoi donc es-tu aussi triste?
– Quand il se penchait sur moi, leur répondis la source, je voyais ma beauté dans ses yeux, je suis triste de ne plus avoir ce miroir pour contempler mon reflet.


Narcisse et sa source bien aimée me revinrent souvent en tête et je me demandais ce dont chacun d’eux était amoureux, de leurs reflets ou de l’objet qui le rendait? Qu’est donc cet amour de soi dans l’autre ou serait-ce un amour de l’autre par amour de soi?

Narcisse avait bien sa beauté mais sans la source l’aurait-il tant apprécié? Et si l’eau de cette source n’était pas aussi limpide, Narcisse serait-il le Narcisse qu’on connaît?

Et si nous étions tous les miroirs les uns des autres, Aimons-nous ou détestons-nous une personne pour le reflet de nous même qu’elle nous transmet?

Combien parmi nous se sont-ils senti beaux et irrésistibles et combien d’autres se sont cru laids et repoussants parce que dans le regard d’un être aimé ce furent les reflets qu’ils perçurent? Combien sont-ils ceux qui voient de la beauté et renvoient de la beauté et combien sont-ils ceux qui n’ont de reflet à offrir que celui d’une âme souillée?

Miroir en nous, miroirs parmi nous, la vie serait-elle une galerie de glaces? Chacun les siens, ceux qu’il choisit de regarder, ceux qui s’imposent à lui, certains déforment, d’autres embellissent, et on ne choisi pas toujours ceux qu’on croit, mais leurs images forgent parfois à jamais celle qu’on a de soi.